Jeudi 17 novembre se tenait à Cahors le procès de Julien Féral, le chasseur qui a tué notre ami Morgan Keane, le 2 décembre 2020, d’une balle en plein thorax alors qu’il coupait du bois à quelques dizaines de mètres de sa maison, en plein confinement. Le directeur de la battue organisée cet après-midi-là, Laurent Lapergues, était lui aussi jugé pour homicide involontaire.
Le tireur a reconnu les faits dans leur intégralité, n’a jamais nié sa responsabilité dans la mort de Morgan et s’est montré affecté par le drame. Il a expliqué qu’après la mort de sa belle-fille, son beau-frère lui aurait conseillé de passer son permis de chasser pour « s’aérer » la tête.
Il a affirmé ne pas avoir beaucoup d’expérience au moment des faits, n’ayant participé qu’à « trois ou quatre battues » et n’ayant jamais tiré avec son arme. Il a également déclaré avoir choisi son arme (une carabine à pompe Remington, calibre 7 mm) sur les conseils d’un armurier, alors que lui-même « n’y connaissait rien du tout ».
Le déroulé des faits exposés par le président du tribunal a mis à jour l’anarchie totale dans laquelle s’est déroulée cette chasse, démontrant que toutes les conditions étaient réunies pour qu’un drame se produise.
Julien Féral, toute la journée, n’a fait qu’obéir aux consignes de ses collègues, plus « expérimentés », et à qui il pensait pouvoir faire confiance. Malgré tout, il a choisi d’ignorer les nombreux signaux qui auraient dû l’alerter sur la dangerosité de cette partie de chasse.
Quand le président du tribunal lui demande de citer les trois règles de sécurité à appliquer, Julien Féral cite l’angle de sécurité et le tir fichant, mais omet la troisième, et la plus importante de celles qu’il a violées : identifier sa cible avant de tirer. Le directeur de battue n’a, quant à lui, montré aucun remord, aucun regret, et a nié toute responsabilité dans la mort de Morgan. Et pourtant.
Pourtant, le président du tribunal s’est longuement attardé sur l’absence de communication entre les chasseurs présents ce jour-là (« Quinze témoignages des chasseurs inscrits sur le carnet de battue ce jour-là et seize versions des faits »), sur les conditions météorologiques (ciel couvert et baisse sensible de la luminosité au coucher du soleil) qui rendaient la visibilité insuffisante, ainsi que sur l’absurdité de la carte de chasse, celle-ci n’étant autorisée que sur la toute petite parcelle sur laquelle se trouvait Julien Féral : toutes les balles qui en sortaient étaient donc tirées de manière illégale, ce que semblait ignorer l’ensemble des participants de la battue.
Morgan Keane a été tué dans la parcelle AI 188, située sur son terrain. La balle est partie de la parcelle AI 186, minuscule et isolée au milieu d’une dizaine d’autres, où les chasseurs n’ont théoriquement pas le droit de se rendre. À noter que la parcelle AI 186 appartient à la femme du maire de Calvignac et que les chasseurs de la commune continuent à y chasser régulièrement, ce que nous avions dénoncé via un post publié en décembre 2021.
À la suite de cette publication, la société de chasse de Calvignac avait porté plainte contre nous pour diffamation, niant sa responsabilité dans l’organisation de la battue qui a couté la vie de Morgan. Pourtant, nous avons appris jeudi que l’association Saint-Hubert de Calvignac était co-organisatrice, avec la Diane Cajarcoise, de cette battue « complétement loufoque et désorganisée » pour reprendre les termes de Maître Kevin Gény, avocat des proches de la victime.
Par ailleurs, lors des différentes « traques » de la journée, de nombreuses infractions (« des manquements hallucinants » selon le procureur) avaient déjà été commises par plusieurs chasseurs (utilisation de véhicules, tirs en direction des maisons, au travers de routes, tirs non fichants, non-respect des postes de tirs, tirs sur des terrains sans autorisation de chasser), et Julien Féral avait été raillé plusieurs fois par ses camarades pour avoir raté, à quatre reprises, un sanglier qui se trouvait à 40 mètres de lui.
Julien Féral a admis que la traque qui a mené à la mort de Morgan, débutée à 16h30, n’aurait jamais dû avoir lieu. Et pourtant, le directeur de la battue a continué, cinq heures durant, à affirmer que cette battue était « parfaitement maîtrisée », « normalement organisée », et que « si c’était à refaire, il ne changerait rien ».
Si Laurent Lapergues est incapable de comprendre le problème, c’est tout simplement parce qu’il a fait exactement la même chose que d’habitude, niant son rôle de directeur et sa responsabilité dans l’organisation de la battue. Cette battue n’est pas un cas isolé, mais une battue tout à fait banale, comme la pratiquent tous les jours ces sociétés de chasse et certainement des centaines, voir des milliers d’autres, partout en France.
À l’issue de ce procès, plusieurs questions restent sans réponse. Les autres participants de la battue, qui ont commis d’innombrables infractions, répondront-ils de leurs actes devant la justice ? Les chasseurs qui se sont enfuis lorsque Morgan a été abattu seront-ils poursuivis pour non-assistance à personne en danger ? Si la formation au permis de chasser était suffisamment stricte et les battues encadrées par des professionnels, ce jeune chasseur se serait-il retrouvé posté à un endroit où il était impossible de tirer en toute sécurité ?
Le procureur de la République a requis 6 mois de prison ferme, une interdiction de chasser à vie ainsi que l’interdiction de détenir une arme pendant 5 ans contre les deux chasseurs, et respectivement 18 mois de prison avec sursis pour le tireur et 12 mois pour le directeur de battue.
Quel que soit le verdict prononcé, nous continuerons à nous battre pour que des mesures fortes soient prises et pour éviter que d’autres accidents et d’autres drames se produisent. Plus jamais ça !